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Le B.O.-BA d'Un Peuple et son Roi - (Les vertus du silence)

  • La Chèvre
  • 7 oct. 2018
  • 3 min de lecture

Une fois n'est pas coutume, voici une critique rageuse du dernier film de Pierre Schoeller.

Pierre Schoeller est l’auteur du magnifique L’exercice de l’État, un film d’une grande justesse sur le pouvoir et ses représentations pour lequel son frère, le compositeur Philippe Schoeller, a été nommé au César de la meilleure musique originale. Malheureusement, nous ne sommes pas là pour parler de ce film, mais de leur dernière œuvre, Un peuple et son roi : un brouhaha interminable de 2h01 (durée ressentie 5h00), une récitation du catéchisme républicain sur la Révolution Française qui se veut didactique mais donne le sentiment d’être enfermé à Guantanamo à écouter des haut-parleurs hurler le Roman National à plein volume. Et le pire, c’est que ça sonne faux. Le sentiment de révolte et si grand face à ce crime de lèse-beauté qu’on a envie de couper des têtes.

La musique et le son sont centraux dans ce film puisque tout se déroule quasiment en audiodescription. Les images sont illustratives pour la plupart. Elles ressemblent à des chromos adaptés du « Chevalier de Pardaillec » (Les Inconnus), mais avec un budget de 17 millions ce qui rend la farce tragique. Toute cette reconstitution n’avance pas, et c’est la musique qui est chargée de mener la cadence, tambours battants. Les discours sont soulignés par un orchestre symphonique. Pour rendre les scènes plus émouvantes, on coupe le son en voyant des gens parler ou crier, musique à fond, dans la plus pure tradition du téléfilm. Cette même musique sert de transition entre les scènes, qui s’enchaînent artificiellement. Quand on sonne l’alerte, cela se traduit par cinq minutes de sons de cloche non-stop. Sans parler des cris de foule dont s’échappent des phrases à l’emporte-pièce (comme « on veut du pain » ou « vive la révolution »). Les dialogues sont à l’image du film : on sent que chaque mot se veut lourd de sens, ce qui les rend pesants. En bref, la musique, comme le propos, est martelée en permanence. Mais le pire est à venir…

Les frères Schoeller ont eu l’idée géniale de farcir cette grande fresque historique de chants révolutionnaires à capella, rendant un peu plus indigestes ces Misérables en V.F. Honnêtement, y a-t-il plus agaçant que de regarder les sans-dents du XVIIIème siècle au sourire Colgate, coiffés et pommadés, chanter à tue-tête des tubes révolutionnaires ? Tout le répertoire y passe, de Ça ira à La Carmagnole en passant par Rigaudon de la St Suite, et j’en passe. Plus de dix chants populaires au total, un vrai blind test (quoi qu’on eut préféré être aveugle). Mais on ne se contente pas de les citer. On fait tout en chanson : on raconte les nouvelles du jour (Guillotin médecin politique), on fait le Journal Officiel, on lave le linge (Enfin v’là donc que le roi), on « révolutionne », on fait la fête (La Carmagnole), et on fait même l’amour ! sur un texte original écrit par Pierre Schoeller intitulé Ami j’en connais dont les paroles donnent quelque chose comme : « Ami j’en connais des filles / Qui ont pris la Bastille / Et moi, l’ami / Je vais prendre le Basile ». Marmonné à deux centimètres du visage, on a plutôt envie de prendre ses jambes à son cou.

Finalement, une scène reste à sauver dans ce film. C’est celle de l’exécution de Louis XVI (désolé pour le spoil). D’abord, parce qu’elle signifie que la fin du film est proche. Ensuite, parce qu’un plan montre un roulement de tambours, dans le silence total. Il annonce une scène déchirante, pendant laquelle le roi (Laurent Laffite) veut parler pour l’Histoire mais est chahuté par les tambours, bousculé par le bourreau et disparaît dans une série de ratés tragiques. On aurait presqu’envie de crier « Hallelujah » ! car le cinéma c’est ça, un merveilleux instrument polyphonique dans lequel les différentes voix d’expression – les sons et les images – peuvent parfois se contredire, s’entrechoquer ou se retirer pour laisser naître un sens nouveau. Rien à voir avec une grosse machine qui avance laborieusement et dans un seul sens. Ce film nous aura au moins donné une leçon par le contre-exemple : le cinéma, comme la musique, c’est aussi du silence.

La Chèvre

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