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Le B.O.-BA de Burning

  • La Chèvre
  • 3 oct. 2018
  • 3 min de lecture

Le B.O.-BA est une nouvelle série d'articles sur La Chèvre. Ces critiques parleront des films sous l'angle de la musique et des sons.

La bande-originale de Burning, composée par Mowg, est un monstre tapi dans le bruit. Elle se cache dans un environnement visuel et sonore saturés, ultraréalistes. La musique, quand elle est extradiégétique[1], surgit imperceptiblement, camouflée par un raccord bruyant – le démarrage de la camionnette de Jongsoo (le personnage principal), le feulement de la Porsche de Ben (le golden boy) ou même un meuglement de vache – avant de se fondre dans des piaillements d’oiseaux ou le murmure du vent. Lee Chang-Dong, le réalisateur du film, a demandé à Mowg de composer à partir de bruits « dont on ne sait pas s’ils appartiennent à la vie quotidienne ou s’ils sont créés par la musique »[2]. Ce camouflage musical repose donc sur une règle commune de la psychoacoustique : l’oreille humaine perçoit mieux les paroles que la musique, et mieux la musique que les bruits. Le mélange de ces différents types de sons crée donc une illusion sonore, renforcée par le mixage : on ne distingue pas la musique car elle est mêlée de bruits. Dans Burning, on la perçoit sans en prendre pleinement conscience. Elle agit insidieusement sur nos sensations. Ne comprenant pas d’où viennent nos propres impressions, comme les images ne montrent rien, cela crée un sentiment de malaise qui renforce la bizarrerie du film et des personnages. En même temps, cela nous aide à mieux comprendre le personnage principal Jongsoo, un jeune paumé qui lui-même ne voit rien. Il n'arrive pas à écrire car il « ne comprend pas le monde ». En cela, la B.O. est semblable aux motifs du film. Elle ne se dévoile pas : on ne saurait dire si on l’a perçue ou devinée, si elle existe ou si on a simplement oublié qu’elle n’existait pas.

Il faut citer une exception notable à ce principe, lors d’une course-poursuite entre une Porsche et une vieille camionnette délabrée. Cette scène, qui pourrait être ridicule, est rendue haletante par la musique qui se dresse brusquement hors de son nid, comme un serpent. Les cordes claquent irrégulièrement, nous prennent par surprise. Si le procédé est radicalement différent, l’effet ressenti est le même : le décalage entre la bande sonore et les images crée une étrangeté, un malaise incompréhensibles.

Enfin, la musique intra-diégétique[3] est sensiblement plus présente que celle de Mowg, dans le film. Il s’agit généralement de jazz monotone, du genre musique d’ascenseur, sauf dans la scène déjà culte de la danse de Haemi face au coucher de soleil sur fond de Miles Davis (la B.O. d’Ascenseur pour l’échafaud, justement). Ce type de musique, bien que parfaitement intégrée à la scène, aux décors et à l’ambiance sonore, est paradoxalement plus remarquable que celle de Mowg. Cette musique est connotée ; c’est une musique de riches. Jongsoo dit d’ailleurs à propos de Ben : « Comment fait-il pour avoir cette vie à son âge ? C’est un Gatsby. […] Quel genre de personne fait la cuisine en écoutant de la musique classique ? ». Cette phrase est révélatrice d’un autre enjeu de la musique dans Burning, portant le thème le plus fort du film : la violence symbolique et sociale. C’est cette violence sous-jacente, sourde et profonde, celle des soirées entre amis ou des dîners de cons, qui se joue sur les notes les plus légères.

La Chèvre

[1] Extra-diégétique : extérieure à la narration, qui ne peut pas être entendue par les personnages.

[2] Positif 691, Septembre 2018

[3] Intra-diégétique : intérieure à la narration.

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